L’auxine une phytohormone pas comme les autres

L’auxine une phytohormone pas comme les autres

En 1880, Francis Darwin étudie le phénomène de la courbure phototropique du coléoptile d’avoine. Chez les poacées, les feuilles sont cachées par une sorte d’étui appélée coléoptile. Lors de la germination le coléoptile est capable d’orienter sa croissance en fonction de la lumière. Cette capacité d’orientation s’appelle le phototropisme.

La découverte de cette phytohormone:

Il a ainsi pu observer qu’en plaçant une plantule dans une boite fermée et en perçant celle-ci d’un petit trou pour laisser entrer une lumière unidirectionnelle, le coléoptile se courbe vers la source de lumière. La phase opposée à la lumière croit plus vite que celle au contact de la lumière. Si on coupe le sommet du coléoptile, il n’y a plus de courbure, même chose si on place un cache sur le coléoptile.

Par ces résultats, il en conclue que le stimulus est produit  dans la partie haute du coléoptile et il est transmis vers le site d’action (la courbure) dans une partie plus basse.

 

darwin

 

En 1913, Boysen-Jensen sépare le coléoptile de la tige par un bloc de gélose. Il observe une courbure du coléoptile. Il en conclut que la substance induisant la courbure du coléoptile a migré à travers le bloc de gélose.  Il remplace le bloc de gélose par des blocs de mica, de platine et par du beurre de cacao. Il observe l’absence de courbure du coléoptile. Ils en conclue que la substance n’est pas de nature électrique, ni liposoluble. Cette substance est de nature hydrosoluble. 

 

En 1919, Arpad Paal et en 1923 Soding  placent la plaque de mica sur le coté de la tige opposée à la lumière. Ils observent un arrêt de la courbure. A l’inverse, si la plaque de mica est placée sur le coté de la tige face à la lumière, la courbure est conservée. Ils en concluent que la substance migre à des concentration plus importante du coté placé à l’obscurité par rapport à celui face à la lumière provoquant ainsi la courbure vers la source de lumière.

 

En 1926, Went dépose des bouts de coléoptiles sur un bloc de gélose. L’ensemble des coléoptiles et du bloc de gélose est ensuite déposé sur l’un des cotés de la tige préalablement décapitée. Le tout est ensuite placé dans une obscurité totale. Il observe la courbure de la tige du coté ou le bloc a été déposé. Il constate que l’angle de la courbure dépend  du nombre de sommet de coléoptiles. Il en conclue que la courbure est fonction de la concentration du messager.

 

En 1931, Kogl et Haagen Smit identifient la structure chimique du messager qui porte le nom d’auxine (acide 3 indole acétique ou AIA). Il possède une chaine acétique et un noyau indole.


 


Structure chimique:

Il existe 2 types d’hormones:

les hormones d’origine naturelle (elles sont produites par les plantes) sont  l’acide indole-3-acétique, l’acide 3-indole-butyrique et l’acide 4-chloro 3-indole acétique, de structures proches, ou encore l’acide phénylacétique qui ne présente toutefois qu’une faible activité auxinique.

auxineblog

Acide indole-3-acétique

Les hormones d’origine synthétique, l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (2,4-D), l’acide 2-méthoxy-3,6-dichlorobenzoïque (Dicamba), l’acide 2,4,5-trichlorophenoxyacétique (2,4,5-T) ou encore l’acide 1-naphtalène acétique (1-ANA).

Qu’elles soient naturelles ou synthétiques, le dénominateur commun à l’ensemble des auxines, semble résider dans la distance fixe (0,55nm) entre la charge négative portée par le carboxyle (sous sa forme dissociée) et une charge positive plus faible portée par le reste de la structure.

A lire aussi :  Bactériophage et phagothérapie

Pourquoi utiliser des hormones d’origine synthétique? 

L’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique est une hormone puissante. Elle peut être utilisée comme herbicide. Si on dose fortement l’auxine, celle-ci induit la chute des feuilles.

En culture in vitro, le fragment de plante ne possède pas toutes les hormones lui permettant une régénération d’une plante entière. On utilise des hormones de type ANA, 2,4D qui sont stables et pour un coût moindre.

 

Utilisation d’hormones anti-auxine:

 Ce sont des molécules à structures proches des auxines  qui occupent les sites récepteurs de l’AIA ou un site particulier du récepteur sans induire la suite des événements et la chaîne de transduction du signal auxine.

Ces substances rentrent en compétiton avec l’auxine.
Exemple de composé anti-auxine: 2-4-6 trichlorophénoxyacétique.
Méthodes de dosage de l’hormone:
Le test de Went utilisé en 1926 (cf la découverte de cette hormone) est un test biologique puisqu’il dose la concentration de l’auxine en fonction de l’effet physiologique qui est l’intensité de la  courbure de la tige.
Cette méthode est très facile à mettre en oeuvre et pour un coût faible mais il est peu précis.On détecte de 10-4g/l à 10-5g/l.
La méthode immunologique consiste à doser la concentration de l’auxine grâce au test ELISA  on dépose dans un plaque multipuits l’extrait végétal contenant une certaine concentration d’auxine à doser. L’ensemble est placé à l’étuve afin que l’auxine s’attache sur le plastique. Ensuite on vide l’extrait. On amène les anticorps anti-auxinique qui reconnaissent la forme des molécules auxiniques et se fixent dessus. On procède à un rinçage. On dirige un deuxième anticorps  contre l’anticorps anti-auxinique. Cette anticorps possède une enzyme qui au contacte de son substrat incolore va interragir avec celui-ci et le colorer. Le dosage de la concentration de l’auxine est fonction de la quantité de l’anticorps anti-anticorps auxinique c’est à dire en fonction de l’activité enzymatique qu’il porte.La détection de l’activité enzymatique se fait à l’aide d’un spectrophotométre.
Cette méthode est beaucoup plus précise on détecte à 10-9 g/l.
La méthode HPLC (High-performance liquid chromatography) couplée avec un spectrofluorimétre. On fait traverser l’extrait végétal avec une certaine concentration d’auxine à doser à travers une colonne contenant un gèle de silice à l’aide d’un solvant (souvent du méthanol et de l’eau). Certains composés traînent dans la colonne d’autres passent plus vite. A la sortie le détecteur spectrofluorimétrique repère Les différents composés de notre extrait dont l’auxine à doser. Le résultat graphique apparaît sous forme de spectre fluorescent en fonction du temps de migration dans la colonne. Il suffit de repèrer le pic correspondant à l’auxine en réalisant un témoin à partir d’auxine commercial et par comparaison repérer le pic qui nous intéresse. La surface de ce pic et fonction de la concentration d’auxine dans l’extrait. On peut également utiliser un autre détecteur comme un spectromètre de masse.
Cette méthode est encore plus précise. On détecte à 10-12g/l.
Localisation de cette hormone:
On estime que la concentration de l’auxine en moyenne est de 10-9g/g de tissus.
Ces sites de synthèse sont les bourgeons foliaires (méristèmes) et à moindre mesure dans les méristèmes racinaires et les tissus agés (feuilles adultes).
En général les cellules en division produisent des auxines et donc n’importe quelles cellules peuvent produire des auxines.

 Effets  physiologiques de cette hormone:

L’étude physiologique d’une hormone nécessite quelques règles à respecter:
  • Le choix de l’auxine: AIA; ANA; 2,4D. Attention, d’une hormone à l’autre les effets peuvent être différents.
  • Le choix du matériel végétal: l’espèce végétale; l’étude sur plante entière ou sur un fragment.
  • Le choix de la concentration de l’auxine: selon les concentrations les effets peuvent être différents.
A lire aussi :  Les fluides cryogéniques
  •  Elongation cellulaire:

L’auxine stimule l’auxèse (élongation cellulaire). elle active la production de pompes à protons. Ces pompes expulsent des protons dans le milieu extracellulaire ce qui fait diminuer le pH dans la paroi et augmenter le potentiel de membrane (la tension entre les deux côtés de la membrane est plus forte). Il s’agit de l’hypothèse « de la croissance acidodépendante ».L’acidification de la paroi a pour conséquence d’activer les expansines (enzymes) qui coupent les liaisons hydrogène entre les microfibrilles de cellulose et d’autres composants de la paroi cellulaire. L’armature de cellulose se relâche et les polysaccharides de connexion sont séparés, grâce aux enzymes de la paroi cellulaire qui peuvent y accéder plus facilement. La paroi devient plus extensible. L’efflux des protons favorise aussi l’entrée d’ions potassium qui vont, par un mécanisme d’osmose, induire l’entrée d’eau dans la cellule, d’où une augmentation de la pression de turgescence qui s’applique sur la totalité de la paroi par l’intermédiaire du cytoplasme. La cellule peut alors « s’étirer ». La cellulose synthase procède à la reconstruction de la cellulose.

  • L’auxine stimule les pompes à protons  ATP dépendant en quelques minutes.
  • L’auxine stimule l’entrée d’eau dans la vacuole: elle stimule la synthèse des aquaporines (canaux protéiques à eau qui se trouve dans la membrane).
  • L’auxine joue un rôle sur l’orientation des microtubules.
  • L’auxine active la synthèse des enzymes comme la cellulose synthase en quelques heures.
  • L’auxine inhibe l’élongation des racines. A forte concentration, il y a synthèse d’éthylène dans la plante.

La division cellulaire:

L’auxine stimule la division cellulaire, c’est à dire les mitoses en culture in vitro. Un fragment d’une plante placé dans un milieu nutritif contenant de l’auxine provoque l’apparition de cellules indifférenciées appelées cals. Les cellules d’un tissu différentié doivent se dédifférencier (perte de leurs spécialisations) puis entrer en mitose.

Cas particulier:

Le pouvoir rhizogène de l’auxine. Lorsqu’on place un fragment de racine dans un milieu contenant de l’auxine, on peut observer l’apparition de racines latérales et non une prolifération anarchique.

Différentiation cellulaire:

L’auxine induit la formation du xylème et du phloème.

 Embryogénèse somatique:

  • Les tissus de l’hypocotyle (partie de la tige située entre sa base (collet) et les premiers cotylédons de la plante) en présence de 2,4D provoquent l’apparition de cals. Ces cals sont ensuite placés dans un milieu liquide sans 2,4D . Certains cals vont alors se diviser pour former un embryon sans qu’il n’y ait eu fécondation. Cet effet physiologique trouve son intérêt dans les laboratoires industriels. En effet, il est utilisé pour la sélection de nouvelles variétés.

Tropisme :

phototropisme

géotropisme = croissance orientée selon l’apesanteur.

Les statocytes sont des cellules spécialisées dans la perception de la gravité et situées au niveau de la coiffe des racines. Ces cellules sont caractérisées par la présence d’amyloplastes avec des grains d’amidons, spécialisés, appelés statolithes. Les statolithes sont donc des plastes, c’est-à-dire des organites intracellulaires, excentrés au pôle basal de la cellule par sédimentation (gravité). Ils exercent ainsi une pression sur la membrane des réticulums endoplasmiques, induisant une augmentation du calcium intra-cytoplasmique et l’activation des transporteurs de l’auxine. Les changements de répartition de l’auxine dans la racine provoquent ainsi des variations dans la croissance de celles-ci.

A lire aussi :  Les biotechnologies au service des bioraffineries

Dominance apicale:

Chez la plupart des plantes, les bourgeons axillaires situés juste sous le bourgeon apical ne se développent pas. Le bourgeon apical se développe rapidement vers le haut et les premières ramifications ne se réalisent sous ce bourgeon qu’à une certaine distance. La section du bourgeon apical provoque le développement immédiat des bourgeons axillaires situés en dessous de lui. Tout se passe comme si, en fonctionnement normal, le bourgeon terminal exerçait une action inhibitrice sur les bourgeons axillaires situés en dessous de lui. Ce phénomène est appelé la dominance apicale.

l’auxine appliquée sur la tige sectionnée au niveau d’un bourgeon apical évite le développement des bourgeons axillaires et donc maintient la dominance apicale exercée par le bourgeon apical. A partir de cette expérience, on peut déduire que le bourgeon apical exerce sa dominance par l’intermédiaire de l’auxine. Le bourgeon terminal secrète de l’auxine. Celle-ci circule vers le bas et inhibe le développement des bourgeons axillaires. La concentration d’auxine diminuant progressivement, l’inhibition s’exerce seulement sur une partie plus ou moins grande de la tige, variable selon les plantes.

L’utilisation de mutants auxotrophes pour le tryptophane, possède une dominance apicale faible ce qui conduit à un développement des bourgeons axillaires. La synthèse en auxine étant faible, le bourgeon apical ne peut exercer une inhibition.

Développement des fruits:

L’auxine stimule les divisions de l’ovaire.

L’auxine stimule la croissance des fruits.

expérience de Nitsch en 1950:

Si on supprime les akènes (vrais fruits) pendant la croissance de la fraise le faux-fruit (réceptacle floral) se développe peu, j’ai une inhibition de sa croissance.

Si on supprime les akènes d’un coté de la fraise et qu’on les laisse de l’autre coté, la fraise se développe de manière asymétrique. Plus fort développement du coté présentant encore des akènes.

Si on supprime tous les akènes de la fraise et qu’on applique de l’auxine sur le receptacle floral, la croissance de la fraise est normale.L’application d’auxine rétablit le développement de la fraise privée d’akène.

Si on applique de l’auxine sur le fruit en fin de croissance, le fruit murît: c’est la senescence du fruit. On stimule la synthèse d’éthyléne qui permet le murissement.

nitsch

  • Abscission (chute) des feuilles et des fruits:

Dans la partie basse du pétiole se trouve une zone responsable de la chute des feuilles appelée zone génératrice. Les cellules de celle-ci se dédifférencient et entrent en mitose, on obtient une sorte de méristéme où les cellules ont des parois fragiles: c’est la zone de rupture. En présence d’auxine, on inhibe la formation de cette zone génératrice, mais en excès,l’auxine stimule la synthèse d’éthylène et donc favorise la formation de cette zone.

Stress abiotique (stress du à l’environnement):

Exemples de stress:

O3 (ozone); UV; déficite hydrique.

En stress hydrique, la plante ferme ses stomates au niveau de l’épiderme des feuilles. La plante produit l’acide abscissique qui déclenche la fermeture des stomates. Les auxines ont l’effet opposé. Elles stimulent l’ouverture des stomates.

Publications similaires